Depuis un an,
A votre contact et au contact des travaux d’artistes
Qui se sont exposés à vous
Au contact de vos sensibilités
A la rencontre de vos imaginations
Il y a eu des débats
L’art Contemporain c’est de l’art ?
Des artistes installés nous ont expliqué le système
Le système des galeries et des galeristes
On prend un artiste, voir deux ou trois sous son aile et on le présente partout, à un cercle plus ou moins restreint d’amateurs éclairés, éclairés et riches, qui achètent et qui en parlent
Je ne dénonce pas le système, non.
Faute de moyens beaucoup renoncent.
Peu, si peu atteignent une reconnaissance qui leur permette d’en vivre.
Je ne dénonce pas le système, non.
Je déclare simplement, calmement mais fermement que nous avons choisi librement de faire autre chose. Et de ne pas participer de ce système. Cette galerie n’est pas une galerie commerciale, ce projet, c’est notre rêve, le rêve de parler d’Art, d’expérience, d’émotion, de sensibilité. Avec d’autres que nous. De partager cela, gratuitement, quelques échanges, quelques heures, quelques instants où il n’est plus ou pas question de survie, de marchandise, mais d’Art, librement consenti.
Et nous avons décidé de ne pas nous dérouter de ce qui était et reste notre projet. Pas ou peu de ventes. Faut il s’en justifier ? Cette galerie est un atelier de travail. Un espace un peu hors de temps, en direction de la quatrième ou de la cinquième dimension, la Twilightzone.
Qu’est ce qui est de l’art, qu’est ce qui n’en est pas ?
Ici vous entendrez des sons étranges. Vous verrez comme en rêve des dessins en mouvement. Des reflets pâles. Vous passerez. Vous passerez dans la musique, parmi ce qui vous semblera peut-être des particules sonores, dans la pénombre, vous verrez se dessiner des lettrages inconnus qui n’appartiennent à aucun alphabet. Vous rêverez. Vous entrerez en vous.
Les artistes qui exposent ce soir ces images et ces sons à vos regards et à vos sens, se parlent les uns aux autres par travaux interposés. Comme eux peut-être, vous entrerez en Résonances. Car tous ces jeux de lumières et d’ombres, ces reflets nous rapprochent doucement de nous-mêmes. De cette zone parfois si difficile à explorer : notre être poétique.
Ainsi David, Pascale et Laurent s’adressent à vous dans une tentative de langage différent qui s’appuierait d’abord sur l’émotion irrationnelle, la rêverie mélancolique, le songe éveillé, les frontières de la conscience.
Ils explorent en eux des contrées éloignées et font le pari de l’intelligence sensible.
Comme eux vous entrerez en Résonances.
Après Bruxelles, où David et Réjean avaient découvert l’œuvre de Pascale, les mots flottaient dans l’air, légers. A cet instant j’ai eu l’intuition qu’une fusion s’était produite, presque fortuite, inattendue, j’ai eu la sensation que leurs travaux étaient entrés en correspondance. C’était un moment en suspend. De ces instants rares, où le monde semble en répit.
En résonances. David joue avec notre univers. Il en imagine les sonorités profondes, il compose un voyage. Les échos lointains du chant des baleines répondent (comme une évidence) au rythme hypnotique du roulement des bogies du train d’entant, qui tapent, régulières, sur les rails d’acier forgés avec le minerais des profondeurs de la terre. Alors le souvenir des mines ressurgit, il impressionne l’écran translucide.
Etrange et poétique devient le jeu de la mémoire enfouie.
Réjean vous propose d’éprouver cela. La galerie a permis ces rencontres.
En résonance.
Avec Laurent de nouveau un arrêt dans la course emballée du monde réel. Comme si nous étions subrepticement passés de l’autre côté du miroir sous l’effet d’une image au ralenti. Un ralenti du temps imaginaire qui serait plus souple, presque élastique,
et seulement influencé par le bruit faible du souffle encore au loin.
Loin, en tout cas, des contingences du temps qui coule et qui doit à chaque instant faire surgir de l’utile, du rentable, de l’efficace, du marche ou crève…de la consommation,
Loin de l’hyper stimulation permanente qui fini par nous assommer, nous prendre notre liberté de rêver, de rêvasser, de nous ennuyer ! De ne servir à rien.
Voilà ! Nous ne servons à rien, nous artistes, et c’est pour cela que nous sommes tellement indispensables, tellement absolument indispensables. Nous ne servons pas une cause, nous ne sommes pas vendables et par conséquent on ne peut pas non plus nous acheter.
Peut-être alors commençons nous vraiment d’être libres.
« Vas-tu t’arrêter ? demande le Roi à Laërte.
« Je m’arrêterai si je veux ! Je ne suis rien mais avec ce rien, je bousculerai le monde entier »*1
Vous voyez vous croyez que je délire. Certains se demandent quel arbre j’ai fumé ? Certainement, il faut au moins cela.
Je ne suis la voix de personne, mais seulement la petite voix en moi-même qui vous parle et qui vous dit pourquoi j’aime l’Art. Parce qu’il me donne la possibilité de vous parler et de vous dire ces choses qui m’exposent. Pourquoi ces artistes là ? Et les autres, les Patrick Genty, Les Réjean Dorval, Les Marine Cuvelier, Les Flore Dumortier, les Morgane Triffaut, ces artistes que je connais si peu et que j’aime tant, les Saskia Weyts et Robert Empain, celles et ceux d’aujourd’hui que grâce à vous je rencontre et qui viennent et me rapprochent de mon être profond, de mon petit panthéon personnel, là où veillent sur nous, tous nos écrivains, nos chanteurs, nos musiciens, nos souvenirs, nos rêves. Je vous parle de vous.
Regardez, écoutez les mots qui s’emballent. Bientôt le flot s’épuisera.
Epuisés mais heureux vous entrerez ici et le son musical parfois, d’une mélodie inconnue, à vos oreilles chantante, une mélodie étrange et dissonante, la musique des mots s’estompera.
Je vous parle de vous.
Ce soir vous entendrez peut-être le chant des sirènes, le souvenir d’une nuit d’hiver au loin, loin dans votre for intérieur, vous verrez peut-être en fermant les yeux, les transes vaudoues d’une prêtresse,
Le chant guerrier des Massaï d’Afrique,
Le vent dans les feuillages un instant avant la pluie, avant l’orage, (Le Rêve d’une langue Universelle) ou la petite musique entêtante mais si douce et qui vous berçait enfant de cette comptine dont vous avez, croyez vous, oublié les paroles, le contact d’une peau aimée, l’odeur du pain tiède, et vous entrerez en vous guidés et réticents, épeurés et confiants, comme tenu par la main de l’artiste, qui ouvre pour vous ces chemins oubliés, ces collines foisonnantes, ces mémoires enfouies, ces destinations inconnues.
Laurent, Pascale et David vous guideront peut-être, et, « riches de dépossession, rien, rien, ne rien vouloir et c’est bien »*2, vous penserez alors, me voilà.
Je vous parle de vous. Je vous parle d’Art. Contemporain.
Je vous parle de vous.
Prenez soin de vous.*3
Emmanuel Druon
Janvier 2008
*1. Shakespeare Hamlet Acte IV, scène V.
*2.Barbara Le soleil noir.
*3.Barbara !